Un café, cinq questions est un lieu de discussion où je prends le temps d’un café pour questionner un artiste de Vaudreuil-Dorion, un citoyen, une femme d’affaires ou un barbu circonspect, sur son rapport à la culture à l’aide de cinq questions pas du tout scientifiques en lien avec l’actualité, avec la vie, avec notre place dans l’univers et surtout, avec rien de tout ça. À la dernière gorgée de café, je demande à mon invité de choisir mon prochain invité.
Aujourd’hui, à la demande de Marie-Belle Ouellet, je bois un café avec Isabelle Turcotte, artiste, professeur, portraitiste. Notez que ce café a été savouré à la veille des mesures de confinement, ce qui a permis d’apprécier d’autant plus le moment présent et la présence toute proche d’êtres humains réels.
Qui est-elle?
Isabelle Turcotte a complété son baccalauréat en enseignement avant de consacrer neuf années de sa vie à sa profession à la Commission scolaire des Trois-Lacs à titre de professeur d’arts plastiques. En temps normal, quand il n’y a pas de longue période de quarantaine ni de mesures d’isolement, elle donne des ateliers dans les écoles primaires, dans les camps de jour et transmet sa passion aux adultes et à tous ceux qui souhaitent apprendre les rudiments de l’hyperréalisme. Elle poursuit en ce moment son rêve en tant qu’apprentie tatoueuse et consacre son temps à son art en attendant que la tempête virale soit chose passée. Cinq questions à une femme à l’âme sensible.
Votre plus beau souvenir culturel
L’exposition immersive Imagine Van Gogh (présentée dans l’ancien chantier maritime Arsenal art contemporain Montréal jusqu’aux dernières mesures de confinement). « C’était une expo immersive où on voyait les détails, la matière agrandie, c’était vraiment spectaculaire et différent de ce que j’ai vu d’habitude. C’est impressionnant de voir les écrans immenses, même le plancher en fait partie, il y a tout le contexte musical qui vient me chercher, tous tes sens sont allumés, j’ai juste été déçue parce que je trouvais que ça ne durait pas assez longtemps! Il y avait 200 œuvres de l’artiste qu’on voyait en projection. Ça permet de découvrir Van Gogh en profondeur. Les œuvres se réfléchissaient aussi sur les gens. Les personnes habillées en blanc avaient des projections sur elles. »
Si un grand déluge était à nos portes et qu’on pouvait embarquer seulement cinq personnes à bord d’un bateau pour sauver l’humanité, outre les gens de votre famille, qui enverriez-vous ?
C’est sûr que les changements climatiques ont tellement d’impact sur la planète, sur nous les humains, c’est donc crucial de s’en occuper. Mes choix seraient orientés vers les personnes qui ont une sensibilité aux changements climatiques et qui font bouger les choses. Il y a la petite Greta, cette militante éveilleuse de conscience. Leonardo Dicaprio aussi qui s’implique physiquement et financièrement pour la protection de l’environnement, et David Suzuki, un grand protecteur de la planète. Il détient 29 doctorats! Il y a Emma Watson, ambassadrice pour l’ONU; elle a à cœur le développement durable et le commerce équitable. Un autre qui a une très grande sensibilité à la fragilité de notre planète Terre, c’est David Saint-Jacques. Il est consciencieux de tous les problèmes qu’il y a, et a aussi un grand instinct de survie. Il serait d’une bonne aide sur le bateau!
Une journée typique consacrée à la pratique de votre art, ça peut ressembler à quoi? (ce que vous faites, où créez-vous, manie, routine, etc.)
Je n’ai pas d’atelier chez moi encore, ça fait 20 ans que j’attends après! On a mis une rallonge à notre table de cuisine, je m’installe au bout et c’est le bordel pendant des semaines, des mois. Ça reste là et je vis dans mon bordel. Je ne m’occupe de rien, je suis vraiment dans ma bulle, je ne peux pas préparer de repas, je vais acheter du tout fait ou demande à mon chum de cuisiner et de m’appeler quand le repas est prêt. Quand je suis dans la création, j’ai de la misère, j’oublie même de boire! Je ne veux pas briser la bulle. Quand je réalise un contrat, c’est souvent du matin jusqu’au soir. Mais je dois prendre des pauses parce que mon corps me parle. Mais on ne voit pas le temps passer. Si j’ai une heure ou deux devant moi, je ne m’embarquerai pas dans la création. Ça me prend un bloc. Mais là, tout est arrêté. Je me dis que je vais avoir le temps pour réaliser le surplus quand je me disais ‘je n’y arriverai pas’. »
Une citation, une chanson, un disque et un livre sur une île déserte
Citation : « On récolte ce que l’on sème » ainsi que « L’habit de fait pas le moine ».
« Ce n’est pas parce que le petit serpent est tout cute qu’il n’est pas dangereux. Comme moi, en ce moment, qui n’a tellement pas le physique de l’emploi pour tatouer! »
Chanson : « Hallelujah. J’aime toutes les versions. Ça me fait vibrer. »
Disque : « L’album Aral de Catherine Lara. Ça me connecte avec la nature, ça me fait danser. C’est un album instrumental. »
Livre : « Le Guide de survie en forêt! J’aime beaucoup La liste de Jeremy Lemay. C’est un livre de croissance personnelle, simple et facile à lire. »
On vous donne 285 512 $ pour réaliser une œuvre artistique, ça ressemblerait à quoi?
« Ce serait un spectacle visuel de la magie de la lumière noire. C’est un médium que je veux vraiment exploiter davantage. Je l’ai fait avec Terre-Maire Un. Ça fait 10 ans que j’ai ça dans la tête, un jour, je vais le faire! »
En terminant notre café, nous nous sommes dit que c’était peut-être le dernier avant quelque temps. Mais comme chaque averse, si intense soit-elle, laisse toujours place à un premier rayon de soleil, nous devrions boire un café rapproché ou à distance avec Chantal Séguin.
Patrick Richard