UN CAFÉ, CINQ QUESTIONS : NICOLAS SORIN NOVAC
Par Patrick Richard
Un café, cinq questions est un lieu de discussion où je prends le temps d’un café pour questionner un artiste de Vaudreuil-Dorion, un citoyen, une femme d’affaires ou un barbu circonspect, sur son rapport à la culture à l’aide de cinq questions pas du tout scientifiques en lien avec l’actualité, avec la vie, avec notre place dans l’univers et surtout, avec rien de tout ça. À la dernière gorgée de café, je demande à mon invité de choisir mon prochain invité.
Aujourd’hui, à la demande d’Emilie Léger, je bois un café en personne, sans masque pour le boire, avec l’artiste, Nicolas Sorin Novac.
Il y a de ces rencontres insoupçonnées qui marquent sans que nous ayons vu venir le coup. Celle avec l’artiste Nicolas Sorin Novac en fait partie. Originaire de Roumanie où la carrière artistique de l’homme connaît un engouement au point où son nom et ses œuvres franchissent les frontières, il prend le chemin du Canada au tournant du siècle où il choisit de refaire sa vie aux côtés de sa femme. Ils furètent les quartiers à la recherche d’une terre fertile jusqu’à ce que le couple s’enracine dans la ville de Pincourt en 2010. Malgré les diplômes et l’expérience acquis au sein de sa troupe spécialisée dans le théâtre de marionnettes, l’artiste repart à zéro et construit sa réputation. Aujourd’hui, on le rencontre pour lui poser cinq petites questions comme autant de portes d’entrée dans la vie de l’homme dont les réponses pourraient s’inscrire dans un court documentaire sur l’art. Les limites de ce texte étant ce qu’elles sont, résumons cette discussion enlevante par des réponses réfléchies à ces cinq questions simples.
Si vous aviez le temps d’une montée d’ascenseur d’une trentaine d’étages pour raconter votre cheminement artistique à une personne importante qui ne vous connaît pas, que lui diriez-vous?
« L’art est arrivé assez tôt dans ma vie. C’était ma soupape de vie. J’étais un enfant introverti, timide, difficilement intégrable. Ma grand-mère m’a ouvert les yeux sur l’art et vers 11-12 ans, je savais déjà que c’est ce que je voulais faire dans ma vie. L’art est mon oxygène et c’est quelque chose qui me pousse au lendemain. »
Nicolas Sorin Novac raconte par la suite que ses parents cartésiens ont préféré le voir étudier dans un autre domaine. Il complète tout de même son baccalauréat en 1998 et choisit la scénographie pour le théâtre de marionnettes comme spécialité. Par rapport aux projets et prix parsemant sa route, notons ces quelques points d’ancrage :
2003 – Première exposition solo, Le besoin de vol, Galerie Rotonda, Iasi, Roumanie
2016 – Gagnant – Montréal Art Center
2017 – ATIM’S Top 60 Masters Award
2020 – Gagnant TRACE – Traquer la Relève Artistique et Culturelle en Émergence, Conseil des arts et de la culture de Vaudreuil-Soulanges
On vous donne la chance de retourner dans le temps pour vivre et participer à l’événement historique de votre choix, où iriez-vous et pourquoi?
Je ne choisirais pas un événement en particulier. J’aimerais retourner à New York, dans Chelsea, dans les années 1970 pour vivre l’effervescence de l’art. Vivre dans cette période-là pour moi, ça changerait tout, car je verrais d’une autre manière l’art et je pourrais revoir l’art avec d’autres yeux, comme Picasso l’a vu. Mais si je devais choisir un événement, je choisirais le vernissage de la première exposition d’Art minimaliste 1966, Primary Structure, au Jewish Museum à New York.
Le musée de vos rêves ou la galerie de votre choix vous appelle pour exposer vos œuvres. Vous avez carte blanche (et l’argent nécessaire) pour créer une toute nouvelle collection ou présenter des œuvres déjà réalisées. Que leur proposez-vous?
Une œuvre monumentale créée en médiation culturelle à travers laquelle artistes, curateurs et critiques d’art pourront collaborer. Le but de l’installation interactive est le fait qu’elle contiendrait une chronologie sur l’art créée du début de l’histoire de l’art jusqu’à aujourd’hui, soit 50 000 ans, ou peut-être plus. Ceci pourrait mettre en valeur non seulement les artistes, mais aussi les mécènes, les critiques d’art, les curateurs qui sont souvent oubliés. Pourtant, ils sont les joueurs clés dans l’éducation du public pour la pérennité de l’œuvre d’art.
Une citation, une chanson, un livre et un film sur une ile déserte.
Citation :
Lasciate ogni speranza, voi ch’entrate / Laisse tout espoir, toi qui entres.
Phrase de Dante dans l’Enfer. L’art est plein de danger, comme quand on entre sur un champ de mines. On vit avec le méconnu. On ne sait pas si l’idée qu’on a en tête, après être réalisée, explique vraiment notre idée. Quand tu vois une œuvre en personne, ça vient te chercher. Le message est dans l’œuvre. C’est quelque chose pour moi qui est relié à l’art et au pourquoi je fais de l’art.
Chanson :
Wish you were here / Pink Floyd
Cette chanson m’a suivie et me ramène à ma jeunesse, aux étapes de ma vie. Je m’y retrouve. Une bonne partie de la chanson est instrumentale, c’est comme si tu écris ton journal intime, pas nécessairement des mots. C’est universel. Avec les paroles, on ne sait pas si c’est pour retrouver quelqu’un dans notre mémoire ou pour se retrouver soi-même, c’est très poétique. Mais le choix est très subjectif et évolue.
Livre :
Life / Keith Richards
Richards commence son livre en disant : « Believe it or not, I remember all of it. » Il l’a écrit quand il avait presque 80 ans! Les souvenirs sont tellement vifs qu’on dirait que ça s’est passé hier. Il y a tellement de choses avec lesquelles on connecte et qu’on se retrouve.
Film :
The Kid / Charlie Chaplin
Un film muet. Les images parlent d’elles-mêmes. C’est plein de contenus, c’est impossible que je ne connecte pas. Il y a une connexion au-delà de ma compréhension.
Dans 100 ans, qu’aimeriez-vous qu’il reste de Nicolas Sorin Novac?
Mon art, rien d’autre. De mon point de vue, on ne devrait pas connecter l’art à l’artiste. On devrait juger l’art par elle-même sans intégrer tous les aspects de l’humain reliés à ça. On doit aller au-delà de l’humain pour comprendre tout l’amour qui transperce dans les œuvres. La seconde qu’on humanise les œuvres, sa valeur redescend. Ça devient un peu plus humain, on l’accroche à quelque chose qui est humanisé. L’énergie est là, on peut l’appeler divin, ça vient, ça connecte à toi et tu continues à vivre avec l’œuvre et l’œuvre continue à vivre parce qu’elle est vivante. Et elle va continuer à vivre pour le temps que l’humanité existera. C’est ça qui fait la différence et c’est pour ça qu’on fait de l’art. Et ç’a toujours été de l’art dès la première seconde. La seule confidence sincère qu’on fait est celle qu’on fait indirectement. L’art c’est une confidence indirecte, car on parle à travers notre art pour dire nos sentiments. Et l’artiste est un grand confident. Séparer l’art de l’artiste nous rapproche beaucoup de la divinité. La seconde qu’on ajoute l’humain dans l’équation, on tire l’art vers l’humanité.
Au terme de ce café qui fut achevé dès la deuxième question posée, j’absorbe cette longue conservation marquante avec un artiste à découvrir pour son authenticité, son amour de l’art et ses réflexions pertinentes sur le domaine qui oxygène sa vie. En guise d’au revoir, Nicholas Sorin Novac m’invite à la rencontre de l’artiste Rodrigo Donoso.
Dans notre prochain épisode.