Un rongeur dans la chapelle Sixtine
avr.
22
2021
Un rongeur dans la chapelle Sixtine
mozaik
Séparation

par Patrick Richard

Depuis un an, les arts vivants se meurent un peu plus chaque jour et nos élans culturels se voient freinés par le virus dont le nom marquera l’histoire à jamais. Des drames, des changements de carrière, plus de carrière du tout, des remises en question, des dépressions, des déceptions, bref, un beau dégât de jus de raisin sur une robe de mariée pour reprendre un exemple qui n’existe pas. Les choses paraissent probablement plus difficiles et beiges lorsqu’on a le nez collé dessus. À l’échelle cosmique, ce virus représente un petit morceau de grain de sable sur la plage des 13,8 milliards d’années de l’existence de l’univers. Notre passage comme « civilisation organisée » ne pèse pas très lourd dans la balance des vies qui ont eu cours sur notre planète, du premier microbe à la naissance de Paul McCartney.

Le grand paradoxe avec tout ça est que nous pensons que la planète ne se remettra pas de notre passage et qu’elle meurt un peu plus chaque jour de nous voir la maltraiter ainsi. Mais n’est-ce pas l’homme et la femme qui ne s’en remettront pas? Madame Terre a encore de beaux millénaires devant elle et n’a pas besoin de nos faciès de précieux pour continuer à tourner. Nous, si. Notre essentielle Terre, de concert avec le soleil et le ciel étoilé, nous sourit chaque jour de la vie. Un soleil qui ne se lève plus, c’est toute l’humanité qui reste couchée. Mais quand nous ne serons plus là – impossible de penser que nous sommes éternels – qui appréciera Lascaux, Nazca et Vijayanâgara? Au fil de nos pérégrinations, nous avons donné un sens à nos vies à travers l’art et le sacré pour interpréter le ciel, comprendre le cycle de l’existence, honorer la terre et tout ce qu’elle porte. L’art comme réconfort, l’art pour nous sécuriser. Imaginez un petit rongeur admirer le plafond de la chapelle Sixtine ou ce qu’il en restera en oubliant un peu qui il est et en se projetant dans l’œuvre le temps d’un songe.  Nous seuls pouvons apprécier la beauté de l’art et le talent des artistes qui la créent. En ce printemps 2021, on a soif d’art et l’eau ne vient pas à bout de notre insatiabilité. Ce n’est pas l’eau qui étanche, c’est l’art! Comme à l’époque de Lascaux, on en veut pour donner du sens à notre réalité, pour nous définir, pour nous faire croire dans la noirceur ce qu’on a vu dans la clarté.

Chers artistes et amis artisans, n’allez surtout pas vendre des souliers, car avant bien longtemps, avant que le soleil ne s’éteigne, nous aurons besoin de sens et de sécurité. Ça ne va pas durer, ce ne sera au final qu’un tout petit grain de sable dans le jardin de nos brièvetés.

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