Un café, cinq questions : Anne-Marie Lauzon
déc.
16
2020
Un café, cinq questions : Anne-Marie Lauzon
mozaik
Séparation

Par Patrick Richard

Un café, cinq questions est un lieu de discussion où je prends le temps d’un café pour questionner un artiste de Vaudreuil-Dorion, un citoyen, une femme d’affaires ou un barbu circonspect, sur son rapport à la culture à l’aide de cinq questions pas du tout scientifiques en lien avec l’actualité, avec la vie, avec notre place dans l’univers et surtout, avec rien de tout ça. À la dernière gorgée de café, je demande à mon invité de choisir mon prochain invité.

Aujourd’hui, à la demande de Roxane Bilodeau, je bois un café au téléphone avec l’artiste peintre Anne-Marie Lauzon, dont le récit de vie ferait à lui seul un excellent scénario de film avec comme trame de fond la résilience. Mais aujourd’hui, à défaut de s’arrêter plus longuement sur l’inspiration que dégage la femme, on ouvre un volet sur sa vie d’artiste non moins inspirante.


Qui est-elle?

En fait, la femme et l’artiste sont difficilement dissociables quand vient le temps de parler de la vie d’Anne-Marie Lauzon.  Elle semble avoir vécu trois ou quatre siècles quand elle raconte l’adversité traversée au fil de ses combats. Résilience incarnée, elle se bat encore quotidiennement contre des maux étrangers qui lui grugent des parcelles de vie. Victime d’un accident de VTT il y a une quinzaine d’années avec colonne fracturée, elle paralyse des jambes avant d’entreprendre une longue rééducation pour réapprendre à marcher. Quatre ans plus tard, un cancer rare associé à autre maladie auto-immune non moins rare au niveau des poumons la frappe de plein fouet. Aujourd’hui, elle survit tant bien que mal en jetant ses émotions sur ses toiles qui racontent son être sensible, fragile, et qui transmettent les couleurs d’une joie de vivre chaque instant comme si c’était le dernier. Le café goûte soudainement différent, comme si la pleine conscience de l’existence jetait un éclairage différent sur cette rencontre insoupçonnée pour laquelle cinq questions ouvriront une trop petite porte sur la grandeur d’âme de l’artiste.

On dit que l’art a le pouvoir de transformer des vies. Que pensez-vous de cette affirmation?

Oui, absolument, c’est évident. Pour moi, c’est essentiel, ça a même transformé la mienne. Je pense que j’ai toujours peint inconsciemment. Mais j’ai vraiment commencé à peindre en raison de la maladie. Je ne suis pas la première ni la dernière personne à qui ça arrive. J’ai fait de l’art thérapie à Douglas, j’ai accompagné des gens. C’est tellement un moment de méditation, de calme, tu peux peindre pour méditer, tu peux peindre pour crier, tu peux peindre pour dire quelque chose. Tu peins pour que la toile te regarde et pour que toi, quand tu la regardes, elle te guérisse. Ou bien tu es là pour dire quelque chose et envoyer de quoi aux autres. Ça dépend de l’élan, mais oui, ça change des vies. Tous ceux qui me connaissent, quand ça ne va pas, ils me disent : va dans ton atelier, va peindre. Ça me replace automatiquement, ça me recentre.

Si vous n’aviez plus qu’une seule couleur à utiliser pour vos toiles, quelle serait-elle et pourquoi?

Le blanc. Un blanc texturé. Les toiles où je crie le plus fort, que ce soit avec la colère ou la tristesse, c’est avec des toiles blanches. C’est la façon dont je les peins, à la spatule. Il y a des espèces de mouvements là-dedans qui sont assez forts.  Je peux m’exprimer fort. Le spectateur pense que c’est doux, mais ça crie. 

Si vous deviez raconter vos toiles à un aveugle, que lui diriez-vous?

J’ai quelqu’un devant moi. Moi, je peins toujours avec de la musique et souvent, mes toiles sont inspirées d’une chanson. Je lui présenterais les toiles une par une. Je mettrais la musique sur laquelle j’ai peint la toile, je lui expliquerais dans quel état j’étais, j’irais chercher les autres sens. Vu que je peins en 3D, je lui dirais de toucher. Toucher tous les élans, tous les mouvements et je le laisserais aller avec la musique et avec sa propre interprétation.

Une citation, une chanson et un livre sur une île déserte.

Citation
Anne-Marie a choisi deux citations qui sont collées sur son frigo et dont elle est l’auteure.
« Vous êtes responsables de l’énergie que vous apportez dans cette pièce. »
« Pouvez-vous svp me présenter la personne qui détermine le baromètre de la normalité. »

Chanson
« Si j’avais un sens à garder, ce serait l’ouïe. Il y en a beaucoup de chansons. Mais je choisirais une vieille chanson de Joni Mitchell : « Boat sides now ». C’est comme un peu ma vie.

Livre
« L’art subtil de s’en foutre » de Mark Manson.

Y a-t-il autre chose à apporter sur une île déserte (autre que la nourriture)?

« Mon stock de plongée, ben des bonbonnes, une machine avec compresseur et un bon filtre. Et peut-être une petite chambre de décompression pour être plus sécuritaire. Et un harpon! »

On vous donne la chance de retourner vivre l’événement artistique de votre choix (spectacle, exposition, création, etc.). Où retournez-vous?

Quand j’entends ça, il faut que je m’assoie tellement je suis paralysée. Je ne sais pas s’il est arrivé quelque chose avec moi dans une autre vie, mais quand j’entends un concert d’orgue d’église, j’arrête de bouger. Je peux pleurer toutes les larmes de mon corps.

Je termine cette rencontre marquante en réalisant qu’Anne-Marie Lauzon a possiblement chanté à mon mariage dans la chorale Chant de coton! Avant de raccrocher et de boire la dernière gorgée de mon café devenu tiède, Anne-Marie m’invite vers la prochaine invitée de mes chroniques : l’artiste peintre Nathalie Plouffe. 

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