Par Patrick Richard
Depuis le début de la pandémie, j’ai tenté d’entretenir mon mental à ne pas sombrer dans la fatalité. Le discours ambiant nous dicte que tout va mal, que le navire prend l’eau, que les lendemains seront difficiles. Les faits sont là, les témoignages se multiplient devant les portes closes de nos restos prisés et les publications alarmantes de nos amis pullulent sur les réseaux sociaux. Comment passer à travers la pandémie sans y laisser notre peau? Il ne s’agit plus seulement de se laver les mains, mais aussi de se nettoyer l’esprit. On pourrait se tourner vers l’art pour trouver du réconfort. Chanter, peindre, danser fait du bien. On peut aussi se tourner vers soi pour chercher dans le silence réconfortant les réponses éclairantes et, pourquoi pas, quelques mots-cadeaux.
Des mots à laisser sur le seuil de nos maisons le matin du 1er janvier.
Lâcher prise
Des mots qui au-delà des sons nous portent à réfléchir sur qui nous sommes et sur ce qu’on peut faire ou penser de cette crise. Un premier écho nous mène vers les mots « lâcher prise ». Lâcher prise compris dans le sens de laisser aller toute situation, toute pensée et toute émotion. Sans retenue, sans jugement, sans attente.
– Oui, c’est facile à dire ça, mais ça prend un entraînement quotidien pour se mettre en forme mentalement, et spirituellement, monsieur!
– Effectivement, ami, mais à l’image d’une personne qui court pour se mettre en forme physiquement, vas-y un pas à la fois en commençant par le premier.
Pour mieux comprendre le lâcher-prise, partons du principe de la météo. Avez-vous remarqué qu’on nous dicte déjà comment ressentir cette météo quand ceux qui la prédisent disent « qu’on n’annonce pas beau »? Chaque fois, je me demande à quel titre jugent-ils la beauté de la météo. Qui a dit que la pluie était nocive et qu’un ciel sans nuage gage d’une belle journée? Il n’y a rien qu’on puisse faire en rapport à la météo mis à part régler le thermostat de notre météo intérieure. En d’autres mots, sur le lac agité de nos vies se cache aussi la profondeur des flots où tout est calme. Qu’il grêle, vente ou qu’il ne fasse rien du tout, cela ne devrait perturber aucunement notre être intérieur si on laisse aller, sans résistance, sans retenue, sans jugement. Si on accepte les choses comme elles sont, pourrait-on encore dire, on traverse les événements de la vie avec calme et sérénité. C’est un peu ça, le lâcher-prise, et c’est tellement autre chose aussi.
Résilience
Vers la fin de cette année que plusieurs qualifient de « pire année dans l’histoire de l’humanité » (l’histoire est pourtant jalonnée de multiples pires années que la « plus pire » des pires années), j’ai eu le privilège de m’entretenir avec une artiste de Vaudreuil-Dorion qui m’a permis d’entrevoir un autre mot-cadeau. De l’écho de son récit a jailli le mot résilience. Une résilience comme peu de gens l’incarnent. Au dictionnaire, résilience se lit ainsi : « Qui a une certaine résistance au choc, une certaine résilience ». Le mot résonne aussi dans l’univers physique en faisant référence à l’énergie cinétique nécessaire pour provoquer la rupture d’un métal. Dans un matériau, la résilience s’exprime en joule par cm2, chez l’humain, elle s’expire en la capacité à affronter les pires adversités sans y laisser sa vie. Pour plusieurs, la pandémie fut un choc, un traumatisme même. Là où ça devient intéressant, c’est dans la façon que les gens ont absorbé ce choc. L’ont-ils incarné? Nourri? Se sont-ils battus? Laisser-aller? À l’heure où vous lisez ces mots, certains guerriers se battent pour passer à travers leur combat personnel et violent. Ils le font souvent avec calme, avec lucidité, avec un amour indéfectible pour la vie. Dans le Dictionnaire historique de la langue française, le mot résilience se rapporte aux mots rejaillissant, rebondissant. Rejaillir comme dans jaillir en étant renvoyé par une surface, un obstacle. Jaillir comme dans sortir, s’élancer ou, dans sa forme abstraite, se manifester brusquement.
De quelle façon allez-vous rejaillir de cette pandémie?
Dans la profondeur de nos lacs intérieurs se cachent les réponses à nos soucis. Et au cœur de notre langue se trouvent aussi des mots-cadeaux, ces mots que l’on doit prendre comme autant de portes ouvertes sur le chemin de notre illumination.
Pour 2021, je vous souhaite de vous sonder et de vous pencher, le matin du 1er janvier, sur le seuil de votre porte. Quel mot allez-vous ramasser?