LE MUR DES AMITIÉS : LES GROS YEUX D’ALICIA
nov.
10
2022
LE MUR DES AMITIÉS : LES GROS YEUX D’ALICIA
mozaik
Séparation

Par Patrick Richard

Ces jours-ci, un local du Parrainage Civique Vaudreuil-Soulanges sur l’avenue Saint-Charles, dans le coin de la place Dumont, regorge de vie. L’artiste Céline Poirier vient de mettre la touche finale à une œuvre plus grande que nature à laquelle ont collaboré une soixantaine d’hommes et de femmes aux prises avec une déficience intellectuelle. Ajouté à la douzaine d’intervenants qui se sont prêtés au jeu ainsi qu’à la trentaine de membres de la communauté qui est passée par le parc de la Maison-Valois le 24 septembre dernier, on se retrouve devant le fruit d’une création collective regroupant une centaine de personnes. Mais en fin de compte, le nombre importe peu, l’œuvre même représentant l’achèvement d’un projet n’est qu’un prétexte pour parler des expériences vécues par ceux et celles qui ont emprunté la route des arts, une route parsemée de fierté, de larmes et de superhéros.

Dans l’arbre des superhéros

Imaginé avant l’arrivée de la pandémie, le projet Le mur des amitiés a revu le jour cette année et a demandé l’étroite collaboration de la Ville de Vaudreuil-Dorion, de l’organisme Parrainage Civique Vaudreuil-Soulanges et de l’artiste Céline Poirier. Regroupés dans le cadre d’une dizaine d’ateliers, les participants étaient invités à se représenter en superhéros peints sur un carton carré que l’artiste Céline Poirier a amassé afin de positionner tous ces portraits dans les branches d’un arbre représentant l’enracinement dans la communauté. « C’était super important de voir comment eux se conçoivent, précise l’artiste. Des fois, ce n’était pas un superhéros, c’était ce qu’ils aimaient. Ç’a été un privilège, j’aime tellement ces gens-là. Ils ont le bonheur facile, ils n’ont pas de jugement. Ils sont heureux. Les arts, c’est pour ça. C’est une thérapie, ça débloque des affaires. » Quand elles parlent de leur expérience, Céline Poirier et Dominique Côté-Toussaint, la responsable du programme service d’activités de jour au Parrainage Civique Vaudreuil-Soulanges, elles en parlent avec humanité et émotion. Elles regardent les œuvres déposées sur une table devant elles et reconnaissent ici le portrait d’Alicia, une jeune femme qui n’émet que des sons, qui s’exprime avec ses yeux et qui a pleuré tellement elle était fière de ce qu’elle avait accompli. Céline Poirier reconnaît son œuvre en raison des gros yeux au visage de son personnage : « C’est ce qui me touche, c’est eux, on les reconnaît », ajoute-t-elle, émue. Au fil de la conversation, d’autres noms sortent, ceux de Carl, d’Éric, gesticulant sur leur fauteuil roulant, heureux et tous deux bien ancrés dans le moment présent. « Ce n’est pas la peur de la page blanche, confie l’artiste, ce n’est pas comme avec des adultes qui ont peur d’être jugés. C’est libre, ils vont laisser leur émotion là-dessus, tout est là sans jugement. C’est la même chose quand je travaille avec les enfants. »

Les échos du projet

Le Parrainage Civique Vaudreuil-Soulanges travaille de concert avec le CISSMO (le Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Ouest) afin d’offrir un service d’activités à une clientèle enfants-adultes présentant une déficience intellectuelle et trouble du spectre de l’autisme. Le projet Le mur des amitiés cadrait parfaitement bien avec la mission de l’organisme caractérisée notamment par le développement de l’autonomie et l’amélioration de la qualité de vie de ses membres : « On veut que nos membres fassent partie d’un tout et soient impliqués dans la société, rappelle Dominique Côté-Toussaint. Et c’est par des projets comme ça qu’on sème des graines un peu partout et qu’on sensibilise la communauté à l’ouverture face à une clientèle qui a des besoins particuliers. C’est ça qu’on veut amener, tranquillement pas vite, un projet à la fois. ». Ce projet était une première expérience du genre pour plusieurs des participants. Les ateliers sont terminés, l’œuvre en tant que telle est achevée et même affichée sur l’un des murs de l’organisme. Mais les échos du projet se répercuteront encore longtemps dans les locaux du Parrainage Civique Vaudreuil-Soulanges. « Tous les jours, témoigne Dominique Côté-Toussaint, ils vont pouvoir entrer dans le local et dire : moi, j’ai participé à ça. Ils vont pouvoir le montrer à leur famille. Ils se rappellent quel personnage ils ont fait. Tout le bonheur que le projet a apporté, la fierté, c’est ça la paye. »

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