Être femme le 30 septembre 1964
sept
16
2020
Être femme le 30 septembre 1964
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Séparation

par Patrick Richard

Les années 1960 sont connues et documentées pour avoir permis l’émergence d’une toute nouvelle société au Québec dans laquelle la femme allait prendre une place qu’elle doit encore défendre aujourd’hui. Cette révolution des mœurs et des consciences se comprend quand on analyse et met en lien les documents d’époque, les témoignages et les recherches des historiens. Mais ici, nous nous arrêtons sur un seul document, un journal publié le 30 septembre 1964 à Dorion au coût de 10 cennes, afin de voir la place qu’occupe la femme dans ce journal et la façon dont on en parle. Il sera donc question de mariage mixte, d’épanouissement sexuel de l’épouse et de lutte politique.

La une de cette édition promet de belles découvertes puisqu’on nous informe qu’une femme fera la lutte au maire de Pincourt. Une femme en politique en 1964, c’est digne de mention. Détails en page 6, écrit-on, où on retrouve la nouvelle qui se lit comme suit : « Le maire de même que tous les échevins de Pincourt ont affirmé qu’ils poseront officiellement leur candidature à chacun des sièges, mais il est presque officiel que Mme Patricia Turcot tentera de renverser le maire actuel, M. Val D’Ambrosio. »

Qui est Patricia Turcot? On ne le sait pas. Pourquoi se lancerait-elle en politique? On ne le sait pas plus. Malheureusement, le journaliste nous laisse un peu sur notre faim, sans doute parce que c’était « presque officiel », mais pas encore assez pour aller plus loin. Désolé pour vous mesdames, on passe à la prochaine nouvelle.

Le mariage mixte

Plus loin, on titre le mariage mixte. Quoi? Le mariage mixte en 1964? Si nous sommes rendus à parler de mariage mixte, c’est que la situation de la femme doit s’être améliorée un peu, non? Eh bien non. On ne parle pas du mariage mixte comme on l’entend dans notre siècle. Reportons-nous à l’époque, nous étions en pleine révolution tranquille et tranquille veut aussi dire tranquillement. L’église dominait encore le paysage et la vie sociale était teintée par les bonnes manières catholiques. Très loin de parler du mariage entre hommes ou entre femmes, on parle plutôt ici du mariage entre catholiques et protestants. Attendons encore quelques décennies avant de pouvoir célébrer comme il se doit l’amour sans sexe aucun.

Miss Hôtel des Chenaux

Nous passons outre également la photo de Mlle Francine Beaulieu, cette « jolie beauté de la région » qui, en page 10, a été couronnée Miss Hôtel des Chenaux 1965. Combien de femmes peuvent se vanter d’avoir ce titre? Bravo, Francine! En page 14, cousine Blanche nous donne quelques bonnes informations sur le monde féminin en nous avertissant qu’« il n’est pas donné à toutes les femmes de posséder une jambe parfaite. D’ailleurs, celles-là sont plutôt rares. » Elle conseille la gent féminine de se regarder dans le miroir, spécialement au niveau de la jambe, afin de porter un bas de couleur foncée pour la jambe grosse et un bas clair et sans couture pour la jambe mince. Ne pas oublier de se frictionner le genou 30 secondes en sortant du bain, car « des genoux négligés deviennent rugueux et souvent accrochent les bas ». Enfin, les poils follets, qui n’aident certainement pas l’apparence d’une belle jambe de femme. On enlève ça svp par électrolyse ou préférablement avec une bonne cire dépilatoire reconnue.

Un peu plus loin, onze émissions hebdomadaires à la télé de Radio-Canada s’adressant tout spécialement à la femme moderne sont suggérées, dont Marie-Ève vous suggère (organisation du travail de ménagère) le lundi de 3 h à 3 h 15, suivie de Des goûts et des couleurs (sur la décoration intérieure) à 3 h 15 sans oublier Miroir d’Èves à 3 h 30 qui vise à « préparer la Canadienne au rôle d’hôtesse qu’elle devra jouer en 1967 ».

L’épanouissement sexuel de l’épouse

Une petite suggestion de lecture pour terminer notre tour d’horizon avec le titre invitant « L’épanouissement sexuel de l’épouse » aux Éditions du jour qui, de l’avis de nombreux psychiatres, « a rendu le bonheur à des milliers de femmes et redonné la paix à autant de ménages (…) Nous savons maintenant que la femme, autant que l’homme, a des besoins passionnels ». Selon l’auteure, Marie N. Robinson, « le problème de la frigidité m’apparaît comme l’un des plus graves de notre temps. Plus de 40 % des femmes mariées en sont affectées, sous des formes diverses et à des degrés divers. »

Femmes frigides, vous avez maintenant réponse à vos souffrances! En vente dans toutes les bonnes librairies.

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