Par Patrick Richard
Un café, cinq questions est un lieu de discussion où je prends le temps d’un café pour questionner un artiste de Vaudreuil-Dorion, un citoyen, une femme d’affaires ou un barbu circonspect, sur son rapport à la culture à l’aide de cinq questions pas du tout scientifiques en lien avec l’actualité, avec la vie, avec notre place dans l’univers et surtout, avec rien de tout ça. À la dernière gorgée de café, je demande à mon invité de choisir mon prochain invité.
Aujourd’hui, à la demande de Tina Struthers, je bois un café avec Diane Collet, artiste qui aime bien emprunter le sentier de l’humour et de l’ironie dans les œuvres éclatées qu’elle achève.
Qui est-elle?
Originaire de Shawinigan où elle a terminé ses études à l’école anglaise pour plein de raisons dont nous pourrons discuter lorsque le temps le permettra, Diane Collet se voit comme la reine des compétences transférables. Son parcours est jonché de chemins qui l’ont menée à se définir comme une artiste ouverte d’esprit qui voit la réalité humaine avec un regard drôle, sensible et toujours curieux. Elle a exposé en Amérique du Nord et à l’étranger, elle a remporté des prix et différentes mentions au fil d’une carrière jamais ennuyante, et surtout, elle a toujours le mot pour rire quand on prend le temps de discuter de tout et de rien avec elle. Nous nous sommes assis côte à côte sur la terrasse du Cafexo pour réaliser l’entrevue, masqués, mais non moins heureux de partager un café et 5 questions.
À quel moment avez-vous su, compris ou choisi d’être une artiste?
J’ai décidé d’aller à Montréal étudier les arts. Je suis allée au Sir George Williams School of Art pendant un an. L’école a fermé après ma première année pour s’intégrer à l’Université Concordia. Mes notes n’étaient pas assez bonnes pour débuter à l’université alors entre temps, j’ai travaillé chez Bell Canada. J’ai continué à suivre des cours du soir de toutes sortes et finalement, je suis retournée à l’université à 21 ans à temps partiel comme étudiante mature dans le programme des beaux-arts. J’ai initialement pris un programme qui englobait le film, le théâtre et les arts plastiques, mais j’ai vite réalisé que je devais me concentrer dans une voie. J’ai finalement choisi les arts plastiques, car c’était quelque chose que je pouvais faire seule et contrôler le résultat final. Le cinéma et le théâtre étaient plutôt un travail d’équipe.
À ceux qui disent que les artistes sont des enfants gâtés, que l’art et la culture n’ont pas à être subventionnés, vous répondez quoi?
On n’a qu’à regarder en arrière, à la préhistoire. Ne sommes-nous pas tous fascinés par les images que nos ancêtres ont laissées sur les murs des cavernes? Par les figurines de fertilité? Par l’architecture? Des temples gigantesques se trouvent à travers le monde. L’art est une expression de notre humanité, de notre culture, de nos croyances, de notre créativité. Qui sommes-nous sinon des êtres créatifs? Nous reflétons notre temps, notre lieu et notre histoire. L’art reste.
Quel est le grand legs culturel que vous aimeriez laisser?
Je ne laisserai aucun grand legs culturel! Je ne suis qu’un caillou sur une vaste plage d’artistes. J’espère cependant avoir pu faire réfléchir les gens face aux absurdités de la vie. J’espère aussi avoir stimulé l’utilisation de l’humour ironique et satirique dans l’art. Il y a encore beaucoup de préjugés envers cette forme d’expression, car plusieurs croient que l’art doit toujours être sérieux. Je suis convaincue qu’on peut engendrer de la réflexion et de la discussion profonde sur des sujets difficiles avec l’humour. Mon mémoire de maîtrise s’intitule d’ailleurs Laughing my arts off: The origins of Humour in my Art.
Une citation, une chanson, un film et un livre sur une île déserte
Film
Je dirais que mon film préféré est La Guerre du Feu de Jean-Jacques Arnaud (1981). Le tout se passe en Europe paléolithique. Une nouvelle forme de communication a été créée pour ce film que tout le monde peut comprendre. Brillant! Une tribu garde précieusement une petite flamme pour allumer les plus gros feux. Après une bataille avec une autre tribu, le feu s’éteint et trois individus sont chargés de trouver une autre petite flamme.
Livre
Like Water for Chocolate (Laura Esquivel – 1992)
L’expression espagnole (Como agua para chocolate) veut dire que ses émotions sont sur le point de déborder. Esquivel utilise le réalisme magique pour combiner le surnaturel avec l’ordinaire dans ce roman. Chaque chapitre débute avec une recette mexicaine. La protagoniste déverse toutes ses émotions dans ses créations culinaires et lorsque les gens mangent ses repas, ils perdent le contrôle de leurs propres émotions en vivant les siennes. C’est une balade totalement imaginative!
Citation
« Si vous me demandez ce que je viens faire en ce monde, moi artiste, je vous répondrai : Je viens vivre tout haut. » Émile Zola
Chanson
Big Yellow Taxi (de Joni MItchell – 1970)
À l’image du Golden Record des sondes Voyager 1 et 2, si on vous donnait la possibilité d’ajouter un message destiné à être embarqué sur une sonde lancée dans le système solaire dans le but de se rendre dans une hypothétique civilisation extra-terrestre pour leur raconter notre histoire, que laisseriez-vous comme message?
Je trouve cette question incroyablement difficile à répondre, car il y a beaucoup de gens informés qui l’ont déjà fait. J’ai quand même décidé d’essayer. Après une courte recherche, j’ai vu que nous n’avons que quelques années pour ajouter nos messages « numériques » à ceux qui sont déjà enregistrés sur le Golden Record. Il serait nécessaire d’incuber pendant quelques semaines pour en arriver à quelque chose de significatif et à la fin de tout cela, mon message n’aurait probablement aucun sens. Naturellement, nous cherchons à transmettre un message accueillant. Le Golden Record contient des informations qui correspondent à nos succès, à notre intelligence et non à notre capacité de violence et d’intolérance. Sommes-nous les seuls dans l’univers? Je doute fort que ce soit le cas. Il est fort probable que ceux qui sont en mesure de décoder nos messages ne soient pas du tout comme nous. Comme je ne maîtrise pas la langue universelle des maths, voici la première chose que me vient en tête dans cette ère du Covid : « Nous étions fragiles. J’espère que nous n’avons pas laissé nos microbes partout. »
Comme prochain invité, Diane Collet m’invite à aller boire un café en compagnie de la photographe Caroline Forget.