par Patrick Richard
Dans quelques décennies, lorsque nos descendants porteront leur regard vers le passé, vers l’année 2020, afin de voir comment nous avons vécu la fête nationale à Vaudreuil-Dorion, ils se demanderont peut-être pourquoi les rues étaient vidées de ses gens, les feux d’artifice interdits, les manifestations de joie campées chacun chez soi. Il faudra mettre plusieurs éléments ensemble pour comprendre la réalité que nous vivons actuellement et entrevoir, à travers la lunette de l’histoire, un début de compréhension. Je vous invite à porter cette lunette afin de nous tourner vers le passé pour apprécier comment ceux qui nous ont précédés sur ce territoire ont vécu la fête nationale. On plonge ici dans la forêt touffue de l’histoire pour se poser sur la feuille d’une branche d’un arbre le temps d’apprécier les quelques nouvelles qui se trouvent dans l’édition du journal La Presqu’île « au service de Vaudreuil-Soulanges, Jacques-Cartier ». Comme mentionné en une. Dans l’édition du mercredi 19 juin 1963, on parle de la fête de la Saint-Jean comme de la fête des Canadiens français, pour ne pas dire les « canayens ».
Le programme de la soirée de la Saint-Jean-Baptiste à Vaudreuil fait état d’un défilé traditionnel suivi par un spectacle auquel participera M. Paul-Émile Corbeil. Pour faire une comparaison un peu boiteuse, Paul-Émile était l’équivalent de l’époque de notre Robert Charlebois d’aujourd’hui. En fait, M. Corbeil a connu une grande carrière en tant que basse, réalisateur, comédien et producteur. Né en 1908, il est décédé en 1965. Nous ne sommes pas dans un répertoire de chansons où les gens se déhanchaient en criant les paroles, mais plutôt dans une présentation sobre aux textes à saveur rurale et catholique. Le lien ici vous amène à sa chanson Le laboureur enregistrée en 1945 https://bit.ly/2VaNvVD. Nous ne sommes pas exactement dans une prestation du Festival de cirque, mais pas si loin non plus!
Avant d’entendre Paul-Émile, les spectateurs eurent droit à de nombreuses prestations de chanteurs solistes, dont un beau « O Canada » chanté par Armand Castonguay, ainsi que la performance de la troupe de danse Les Cotillons de Montréal. Un traditionnel feu de la Saint-Jean comme on était capable d’en faire à l’époque et une danse populaire accompagnée d’un orchestre de renom suivit le spectacle. Sur cette même page où on présente la programmation, on retrouve nombre de cartes professionnelles d’entrepreneurs de l’époque et la plupart, pour ne pas dire la majorité, invitent à célébrer dignement la Saint-Jean. La dignité, partout.
On rappelle également l’origine de la fête où les « colons de la Bretagne du Poitou et de la Normandie qui nous ont apporté de leur terre natale la fête de la Saint-Jean. Dès les premières années de la colonisation, on vit, les soirs de 24 juin, s’illuminer les grands feux de joie qui, tout au long du fleuve Saint-Laurent, se répondaient de village en village (…) et ces feux sont un vestige des cérémonies druidiques qui se déroulaient chez les civilisations primitives, celles des Perses, des Grecs, des Romains et plus tard chez les Gaulois, pour fêter le solstice d’été. (…) La Fête de la Saint-Jean fut officiellement proclamée Fête nationale des Canadiens français vers les années 1830 (…) et c’est en 1908 que Sa Sainteté le pape Pie X (…) déclara saint Jean-Baptiste patron spécial auprès de Dieu de tous les Canadiens français. »
On ne quittera pas l’édition de ce journal sans relever quelques-unes de ses nouvelles :
La dernière page du journal nous ramène à la fête de la Saint-Jean où on invite la population à célébrer en véritables patriotes en participant, notamment, à la parade qui « fera dérouler devant les yeux un aspect de la foi de nos ancêtres : la Croix du Chemin. ». Puis on termine par une invitation qui n’est pas sans rappeler ce que nous vivons aujourd’hui, soit de « se réunir sur le terrain de l’école Saint-Michel (…) autour d’un immense feu de la Saint-Jean qui devrait nous faire oublier l’absence de feu d’artifice. » En 2020, on se réunit autour d’un « pas de feu » qui devrait nous rappeler l’absence de feu d’artifice. Pas de feu, pas de regroupement, mais le bonheur de lire nos archives 60 années passées.